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Tribune Libre
Ténors de l'Informatique Libre

Copyright © 1999 par Éditions O'Reilly

< Chapitre 13 Sommaire Annexe A >

Chapitre 14. La revanche des hackers

Eric S. Raymond
La revanche des hackers
Au-delà de la loi de Brooks
Des mimiques et des mythes
La route de Mountain View
Les origines du mouvement Open Source
Révolutionnaire malgré moi
Les phases de la campagne
Les faits concrets
Perspectives

La revanche des hackers

J'ai écrit la première version de ce document intitulé « Une brève histoire des hackers » en 1996, pour le web. J'avais été fasciné par la culture des hackers depuis de longues années, bien avant d'avoir édité la première édition de « The New Hacker's Dictionary », en 1990. À la fin de l'année 1993, nombreux étaient ceux (et j'en faisais partie) qui en étaient venus à me considérer comme l'historien de la tribu des hackers, et leur ethnographe dépêché sur place. Ce rôle me plaisait bien.

Je n'imaginais alors pas que mon anthropologie amateur se révélerait être un catalyseur significatif qui provoquerait des changements. Je fus plus surpris que quiconque de le constater. Mais les conséquences de cette surprise résonnent encore de nos jours sur la culture des hackers et les mondes des affaires et des nouvelles techniques.

Dans cet essai je récapitulerai, de mon point de vue, les événements qui ont immédiatement précédé le « coup de canon de retentissement mondial », de janvier 1998, de la révolution de l'Open Source. Je présenterai mes réflexions sur la distance remarquable qui a été parcourue depuis. Enfin, j'offrirai quelques projections tentantes sur l'avenir.

Au-delà de la loi de Brooks

J'ai rencontré Linux pour la première fois à la fin de l'année 1993, à travers une distribution sur CD-ROM du pionnier Yggdrasil. À cette époque, j'avais déjà été impliqué dans la culture des hackers depuis plus de quinze ans. Mes premières expériences remontaient à l'ARPAnet primitif de la fin des années 1970 ; j'ai même été brièvement touriste sur les machines ITS. J'avais déjà écrit du logiciel libre et je l'avais publié sur l'Usenet avant que la Free Software Foundation ne voie le jour en 1984, et je fus l'un des premiers contributeurs à la FSF. Je venais de publier la deuxième édition de The New Hacker's Dictionary. Je pensais très bien connaître la culture des hackers — et ses limitations.

La rencontre avec Linux fut un choc. J'avais beau avoir baroudé de nombreuses années dans la culture des hackers, je traînais toujours l'idée reçue que des hackers amateurs, même très doués, ne pourraient jamais rassembler suffisamment de ressources ou de talent pour produire un système d'exploitation multi-tâches utilisable. Les développeurs du Hurd, après tout, avaient ostensiblement échoué sur ce point pendant une décennie.

Mais là où ils ont échoué, Linus Torvalds et sa communauté ont réussi. Et ils ne se sont pas contentés de ne remplir que les exigences minimales en matière de stabilité et d'interfaces fonctionnant à la Unix. Oh non. Ils ont explosé ces critères par leur exubérance et leur flair, en fournissant des centaines de millions d'octets de programmes, de documents, et d'autres ressources. Des suites complètes d'outils pour l'Internet, des logiciels de publication de qualité professionnelle, la possibilité d'utiliser le mode graphique, des éditeurs, des jeux — tout cela, et bien plus encore.

Observer cette débauche de codes merveilleux étalés sous mes yeux fut une expérience bien plus puissante que de me contenter de savoir, d'un point de vue uniquement intellectuel, que toutes les portions existaient probablement déjà quelque part. C'est comme si je m'étais baladé au milieu de piles de pièces de rechange dépareillées pendant des années pour me retrouver face aux même pièces, assemblées sous la forme d'une Ferrari rouge et rutilante, portière ouverte, les clés se balançant sur le contact, et le moteur ronronnant des promesses de puissance...

La tradition des hackers, que j'avais observée pendant vingt ans, semblait soudain prendre vie d'une nouvelle et vibrante manière. Dans un certain sens, je faisais déjà partie de cette communauté, car plusieurs de mes projets de logiciel libre avaient été ajoutés à la mêlée. Mais je voulais y pénétrer plus profondément, car chacune des merveilles que j'observais approfondissait aussi mon étonnement. C'était trop beau !

Les coutumes du génie logiciel sont inféodées à la loi de Brooks, qui prédit que lorsque le nombre N de programmeurs augmente, le travail accompli augmente en proportion mais que la complexité et la vulnérabilité aux bogues augmente en N2. N2 est le nombre de chemins de communication (et d'interfaces de code potentielles) séparant les bases de code des développeurs.

La loi de Brooks prédit qu'un projet comptant des milliers de contributeurs devrait être un capharnaüm floconneux et instable. D'une certaine manière, la communauté de Linux a vaincu l'effet N2 en produisant un système d'exploitation d'une qualité exceptionnelle. J'étais décidé à comprendre la manière dont ils avaient procédé.

Il m'a fallu trois ans de participation et d'observation de près pour développer une théorie, et une année encore pour la mettre en pratique. Je me suis alors assis à mon bureau et j'ai rédigé « La cathédrale et le bazar », alias CatB, pour expliquer ce que j'avais vu.

Des mimiques et des mythes

Ce que je voyais autour de moi, c'était une communauté qui avait mis au point la méthode de développement logiciel la plus efficace de tous les temps, sans même s'en rendre compte ! C'est-à-dire qu'une pratique efficace s'était mise en place sous la forme d'un ensemble de coutumes, transmises par l'imitation et l'exemple, sans la théorie ou le langage qui permette d'expliquer pourquoi la pratique fonctionnait. En y repensant, l'absence de cette théorie et de ce langage nous a gêné de deux manières. D'abord, on ne pouvait pas mettre en place une réflexion systématique sur la manière d'améliorer nos propres méthodes. Ensuite, on ne pouvait pas expliquer ni vendre la méthode à d'autres. À l'époque, seul le premier effet retenait mon attention. Ma seule intention, en écrivant ce papier, était de donner à la culture des hackers le langage approprié, qu'elle utiliserait de manière interne, pour s'expliquer à elle-même. C'est ainsi que j'ai couché sur le papier ce que j'avais vu, en lui donnant l'allure d'une narration et en utilisant des métaphores vivantes et appropriées pour décrire la logique qu'on pouvait deviner derrière ces coutumes. « CatB » ne contient pas vraiment de théorie fondamentale. Je n'ai inventé aucune des méthodes qu'il décrit. Ce qui est nouveau, dans ce papier, ce ne sont pas les faits, mais les métaphores et la narration — une histoire simple et puissante qui encourageait le lecteur à voir les faits sous un jour nouveau. J'essayais d'appliquer le génie mimétique aux mythes fondateurs de la culture des hackers. J'ai d'abord soumis le papier complet au Linux Kongress de mai 1997, en Bavière. L'intense attention et les applaudissements nourris qu'il a suscités de la part d'un public ne contenant que quelques personnes dont l'anglais était la langue maternelle semblaient confirmer que j'étais sur quelque chose d'important. Mais il se trouve que le hasard, qui m'a placé aux côtés de Tim O'Reilly lors du banquet du jeudi soir, a ébranlé un ensemble de conséquences plus important. J'admirais le style des éditions O'Reilly depuis longtemps, je brûlais donc de rencontrer Tim O'Reilly depuis plusieurs années. Notre conversation embrassa de nombreux thèmes (et en particulier notre intérêt commun pour la science-fiction classique) ce qui provoqua mon invitation à la conférence de Perl, donnée par Tim plus tard la même année, afin d'y présenter « CatB ». Une fois encore, le papier fut bien reçu — il obtint, en réalité, des acclamations et l'auditoire se leva pour lui rendre un vibrant hommage. Le courrier électronique que je recevais m'avait appris que depuis la Bavière, le bouche à oreille avait rempli son office sur l'Internet, à propos de « CatB », plus rapidement qu'un feu de brousse. Nombreux étaient ceux qui dans l'assistance l'avaient déjà lu, et mon discours fut moins une révélation pour eux qu'une occasion de célébrer le nouveau langage, et la prise de conscience qui l'accompagnait. La salle ne s'est pas tant levée pour me rendre hommage que pour célébrer la culture des hackers elle-même — et en cela, elle avait bigrement raison. Je ne le savais pas encore, mais mon expérience en ingénierie mimétique était sur le point de bouter un feu bien plus important. Certains de ceux qui découvrirent mon discours ce jour-là travaillaient pour la société Netscape Communications, Inc, qui avait des problèmes. Netscape, pionnier des nouvelles techniques de l'Internet, extravagant de Wall Street, était sur la liste noire de la société Microsoft. Cette dernière craignait à juste titre que les normes pour le web, incarnées par le navigateur de la société Netscape, n'érodent le monopole lucratif dont le géant de Redmond disposait alors sur la plate-forme des compatibles PC. Tout le poids de ses milliards, ainsi que ses tactiques inavouables, qui lui vaudraient quelque temps plus tard d'être poursuivi dans le cadre de la loi antitrust, étaient alors déployés pour anéantir le navigateur de la société Netscape. Pour la société Netscape, le problème était moins le revenu associé à son navigateur (qui ne représentait qu'une faible proportion de ses recettes) que de maintenir une zone de sécurité pour les affaires associées à leur serveur, bien plus lucratives. Si le navigateur Microsoft Internet Explorer se trouvait en position dominante sur le marché, cette dernière pourrait corrompre les protocoles du web en les éloignant des normes ouvertes pour les transformer en canaux propriétaires que seuls ses propres serveurs pourraient proposer. À l'intérieur de la société Netscape, le débat battait son plein sur la manière de contrer la menace. Une option proposée dès le début fut de libérer le code source du navigateur — mais cette position était difficile à tenir en l'absence de bonnes raisons de croire que cela empêcherait la domination du logiciel Internet Explorer. Je ne le savais pas encore alors, mais « CatB » fut un avocat déterminant de cette position. Au cours de l'hiver 1997, alors que je travaillais sur mon prochain article, tout était prêt pour que la société Netscape abandonne les règles du jeu du commerce habituel et offre à ma tribu une occasion sans précédent.

La route de Mountain View

Le 22 janvier 1998, la société Netscape annonçait qu'elle publierait le code source de son client pour le web sur l'Internet. Je n'appris cette nouvelle que le lendemain, pour apprendre peu après que Jim Barksdale, le PDG, avait présenté mon travail aux journalistes qui couvraient l'événement nationalement comme une « inspiration fondamentale » pour sa décision.

C'est cet événement que les commentateurs de la presse professionnelle en informatique appelleraient plus tard « coup de canon de retentissement mondial » — et M. Barksdale avait fait de moi son Thomas Paine [1], que je le veuille ou non. Pour la première fois dans l'histoire de la culture des hackers, l'une des entreprises préférées du groupe Fortune 500 avait parié son avenir sur la croyance que les hackers avaient raison. Et, plus spécifiquement, que mon analyse de la culture des hackers était correcte.

C'est là un choc bien difficile à encaisser. Je n'avais pas vraiment été surpris que « CatB » modifie l'image que la culture des hackers avait d'elle-même ; c'est ce que j'avais cherché à faire, après tout. Mais j'ai été soufflé (et c'est peu dire) par les nouvelles du succès qu'il rencontrait à l'extérieur. C'est pourquoi j'ai réfléchi intensément pendant quelques heures, après avoir appris la nouvelle. J'ai réfléchi à l'état de Linux et de la communauté des hackers. J'ai réfléchi à celui de Netscape. Puis me suis demandé si j'étais assez costaud pour faire le prochain pas.

Il n'était pas difficile de conclure qu'aider Netscape à réussir son pari venait d'acquérir le statut de priorité fondamentale pour la culture des hackers, et par conséquent, pour moi personnellement. Si ce pari échouait, les hackers subiraient probablement l'opprobre de cet échec de plein fouet. Nous serions discrédités pendant encore dix ans. Et ce seraient dix ans de trop.

À cette époque je faisais partie de la culture des hackers et je vivais ses différentes phases depuis vingt ans. Pendant vingt ans j'avais observé des idées brillantes, des débuts prometteurs, et des techniques supérieures se faire invariablement écraser par une mercatique bien menée. Pendant vingt ans j'avais observer les hackers rêver, suer et construire, pour trop souvent constater que les pairs du vieux méchant IBM ou du nouveau méchant Microsoft repartaient nantis des récompenses concrètes. Pendant vingt ans j'avais vécu dans un ghetto — un ghetto raisonnablement confortable, rempli de camarades intéressants, mais emmuré malgré tout derrière une vaste barrière de préjugés, intangible, annonçant : « ici, vous ne trouverez que des excentriques ».

L'annonce de Netscape avait lézardé cette barrière, pour au moins un court instant ; le monde des affaires avait été secoué dans sa complaisance sur l'idée qu'il se faisait des capacités des « hackers ». Mais les habitudes mentales paresseuses ont une inertie énorme. Si la société Netscape échouait, ou peut-être même si elle réussissait, l'expérience pourrait être perçue comme un fait unique et exceptionnel, qu'il serait inutile de tenter de reproduire. Et nous serions de nouveau parqués dans le même ghetto, aux murs un peu plus hauts qu'avant.

Pour éviter cela, il fallait que Netscape réussisse. Alors j'ai récapitulé ce que j'avais appris du mode de développement de type « bazar », et j'ai appelé la société Netscape, en leur proposant de les aider à développer leur licence et à mettre au point les détails de leur stratégie. Début février, j'ai pris l'avion pour Mountain View à leur demande, j'ai assisté à sept heures de réunions avec divers groupes au sein de leur quartier général, et je les ai aidés à développer les grandes lignes de ce qui deviendrait la licence publique de Mozilla et l'organisation correspondante.

J'ai profité de ma présence en ces lieux pour rencontrer plusieurs personnes clés de la Silicon Valley et de la communauté Linux des États-Unis d'Amérique (mais ces détails sont contés plus en détail sur la page d'histoire du site web de l'Open Source). Venir en aide à la société Netscape était clairement une priorité à court terme, et tous ceux à qui j'ai parlé avaient déjà compris la nécessité d'une stratégie à plus long terme, pour faire suite à la sortie de Netscape. Il était temps d'en mettre une au point.

Les origines du mouvement Open Source

Les grandes lignes étaient faciles à deviner. Il nous fallait prendre les arguments pragmatiques et nouveaux que j'avais énoncés dans « CatB », les développer plus avant, et en faire une promotion poussée en public. Puisque les gens de Netscape avaient eux-mêmes intérêt à convaincre leurs investisseurs que cette stratégie n'était pas folle, on pouvait compter sur eux pour nous aider dans le cadre de cette promotion. Nous avons également très rapidement recruté Tim O'Reilly (et à travers lui, la société O'Reilly & Associates).

Cependant, la véritable percée conceptuelle fut pour nous d'admettre qu'il nous fallait monter une campagne de mercatique — et que cela mettrait en œuvre des techniques de mercatique (conseil, construction d'une image, restructuration du concept) pour que tout cela fonctionne.

D'où le terme « Open Source », que les premiers participants à ce qui deviendrait plus tard la campagne de l'Open Source (et, finalement, l'organisation de l'« Initiative de l'Open Source ») ont inventé lors d'une réunion tenue à Mountain View, dans les locaux de VA Research, le 3 février.

Il nous paraissait clair, en regardant en arrière, que le terme « free software » avait causé énormément de tort à notre mouvement au cours des années. Une partie en incombait à l'ambiguïté bien connue « free-speech/free-beer » [2]. Mais une partie plus importante provenait de quelque chose de pire — l'association d'idées très répandue entre les termes « free software » et l'hostilité au droit de la propriété intellectuelle, le communisme, et d'autres idées que tout responsable de système d'information ne porte pas dans son cœur.

Il était, et c'est toujours le cas, hors-sujet d'expliquer que la Free Software Foundation n'est pas hostile à toute propriété intellectuelle et que sa position n'est pas exactement celle d'une organisation communiste. Nous le savions. Mais nous avons réalisé, sous la pression de la sortie de Netscape, que la véritable position de la FSF ne comptait pas vraiment. Seul le fait que son évangélisme s'était retourné contre ses prédicateurs importait : désormais la presse professionnelle et l'industrie du logiciel associaient les mots « free software » aux stéréotypes négatifs exposés ci-dessus.

La réussite de notre initiative, suite au cas Netscape, ne serait possible que si on parvenait à remplacer les stéréotypes négatifs associés à la FSF par des stéréotypes positifs choisis par nous — des contes pragmatiques, doux aux oreilles des gestionnaires et des investisseurs, parlant de fiabilité accrue, de coûts réduits, et de meilleures fonctionnalités.

En termes de mercatique conventionnelle, notre travail consistait à donner au produit une nouvelle image, et à lui construire une réputation qui donnerait envie à l'industrie du logiciel de l'embrasser.

Linus Torvalds a accepté l'idée le lendemain de la réunion. On a commencé à travaillé sur le sujet quelques jours plus tard. Moins d'une semaine plus tard, Bruce Perens avait enregistré le domaine opensource.org et avait mis en ligne la première version du site web de l'Open Source. Il a aussi suggéré qu'on adopte en tant que « définition de l'Open Source » les grandes lignes du logiciel libre mises au point par Debian, et il a commencé à enregistrer le terme « Open Source » en tant que marque de certification de telle sorte qu'on puisse légalement exiger des gens qu'ils utilisent le terme « Open Source » dans le cadre de produits conforme à cette définition.

Même les tactiques particulières, nécessaires pour mettre en place cette stratégie, m'ont paru claires dès ces premiers moments (et on les avait explicitement discutés au cours de la réunion initiale). Les points-clés :

Oublions la tactique de la conquête par le bas ; il faut convaincre la tête

L'une des choses les plus claires était que la stratégie historique d'Unix, d'un évangélisme de conquête par le bas (reposant sur les ingénieurs qui convaincraient leurs patrons à l'aide d'arguments rationnels) avait été un échec. C'était une stratégie naïve, aisément démentie par la société Microsoft. De plus, la percée de la société Netscape ne provenait pas d'un ingénieur, mais d'un décideur stratégique (Jim Barksdale) qui avait compris tout cela et avait imposé sa vision des choses à ses subalternes.

La conclusion s'imposait d'elle-même. Au lieu de conquérir la base, il nous faudrait cibler par notre discours les directions — en visant directement les directions générales, techniques et informatiques.

Linux est notre meilleur cas d'école

Il nous faut faire de Linux notre porte-étendard. Oui, on trouve d'autres exemples dans le monde de l'Open Source, et la campagne leur rendra un hommage respectueux — mais Linux a le nom le plus connu, la plus grande base installée, et la plus grande communauté de développeurs. Si Linux ne peut pas consolider la percée, rien d'autre, d'un point de vue pragmatique, n'a la moindre chance.

Suscitons l'intérêt des très grandes entreprises

D'autres segments du marché dépensent plus d'argent (les PME/PMI et entreprises familiales en sont l'illustration la plus évidente) mais ces marchés sont plus diffus et difficiles à cibler. Les entreprises de Fortune 500 ne se contentent pas de disposer de quantités d'argent phénoménales, elles les concentrent là où il est facile d'en approcher. C'est pourquoi l'industrie du logiciel est en grande partie aux ordres des Fortune 500. C'est par conséquent le Fortune 500 qu'il nous faut convaincre.

Mettons dans le coup les journaux prestigieux qui sont au service des Fortune 500

Le choix de cibler les Fortune 500 implique de capter l'attention des médias qui influencent les plus importants décideurs et investisseurs ; pour être précis, il s'agit des publications suivantes : the New York Times, the Wall Street Journal, the Economist, Forbes, et Barron's Magazine.

À ce sujet, il est nécessaire mais insuffisant de mettre dans le coup la presse technique informatique ; cela n'est utile qu'en tant que pré-condition pour insuffler la Bourse de Wall Street elle-même dans les media les plus en vue.

Inculquons aux hackers les tactiques de guérilla mercatique

Il était tout aussi clair que l'éducation de la communauté des hackers serait aussi importante que notre approche du monde réel. À quoi bon envoyer une poignée d'ambassadeurs tenir un discours efficace si, sur le terrain, la plupart des hackers en tenaient un autre, qui ne convaincrait personne sinon eux-mêmes ?

Utilisons la certification de l'Open Source comme garantie de pureté

L'une des menaces qui nous attendait était la possibilité que le terme « Open Source » soit récupéré et amélioré par la Microsoft ou une autre société importante, le corrompant au passage, en annihilant notre message. C'est pour cette raison que Bruce Perens et moi-même avons rapidement décidé d'enregistrer ce terme comme une marque de certification et de le lier à la définition de l'Open Source (qui est une copie des grandes lignes du logiciel libre mises au point par Debian). Cela nous permettrait de dissuader les esprits chagrins sous la menace d'une poursuite en justice.

Révolutionnaire malgré moi

La mise au point de cette stratégie fut assez facile. Le plus dur (en tout cas, pour moi) fut d'accepter le rôle que j'aurais à y tenir.

J'avais compris une chose dès le début : c'est que la presse fait la sourde oreille aux abstractions. Ils n'écrivent rien sur des idées que ne défendent pas les personnalités les plus en vue du moment. Il faut que tout ne soit qu'histoires, drames, conflits, larmes et sang. Sans quoi, la plupart des journalistes retournent se coucher — et s'ils continuent malgré tout, ce sont leurs rédacteurs en chef qui opposeront leur veto.

C'est pourquoi je savais qu'on aurait besoin d'une personne aux caractéristiques très précises pour faire front à la réaction de la communauté aux actions de Netscape. Il nous fallait un brandon, un porte-drapeau, un propagandiste, un ambassadeur, un évangéliste — quelqu'un qui sache danser et chanter sur tous les toits, séduire les journalistes, fricoter avec les PDG, et asséner de grands coups sur la machine des médias jusqu'à ce que ses rouages tournent dans l'autre sens et proclament : « C'est la révolution ! »

À la différence de celui de la plupart des hackers, mon cerveau est celui d'un extraverti et j'ai déjà une solide expérience des contacts avec la presse. En examinant mon entourage, je n'ai trouvé personne de plus qualifié que moi pour tenir le rôle de l'évangéliste. Mais je ne voulais pas de ce travail, car je savais qu'il me mènerait la vie dure pendant des mois, peut-être des années. Je n'aurais plus d'intimité. La presse grand public me décrirait probablement comme un informaticien autiste et (ce qui est pire) je serais méprisé par une proportion significative des miens, qui me considéreraient comme un vendu ou quelqu'un qui tire la couverture à lui. Et, pire que tout le reste, je n'aurais plus le temps de programmer !

Je devais me poser la question : en as-tu suffisamment marre d'observer ta tribu perdre les batailles pour faire ce qu'il en coûte de remporter la victoire ? J'ai décidé d'y répondre par l'affirmative — et cela acquis, je me suis consacré à la tâche ingrate mais nécessaire de devenir une personnalité publique et un interlocuteur des médias.

J'avais appris quelques ficelles des médias alors que j'éditais The New Hacker's Dictionary. Cette fois-ci, j'ai pris le travail au sérieux, et j'ai développé toute une théorie de manipulation des médias que j'ai ensuite appliquée. Ce n'est pas l'endroit idéal pour l'exposer en détail, mais elle gravite autour de l'utilisation de ce que j'appelle une « dissonance séduisante » pour attiser une curiosité dévorante à l'encontre de l'évangéliste, et exploiter jusqu'au bout cette cette dernière pour faire passer les idées.

La combinaison de l'étiquette « Open Source » et de ma promotion délibérée a eu les bonnes et mauvaises conséquences que j'escomptais. Dix mois après l'annonce de Netscape, on constate une croissance continue et exponentielle du nombre d'articles dans les médias traitant de Linux et du monde de l'Open Source en général. Pendant toute cette période, environ un tiers de ces papiers me citaient directement ; la plupart des deux autres tiers faisaient appel à moi en tant que source indirecte d'informations. Au même moment, une minorité belliqueuse de hackers m'a traité d'intraitable égoïste. J'ai réussi à garder mon sens de l'humour et à plaisanter sur ces deux sujets (même si cela s'est parfois révélé difficile).

Depuis le début, mon plan consistait à confier le rôle de l'évangéliste à un successeur, un individuel ou une organisation. Le temps viendrait où le charisme personnel devrait céder la place à une respectabilité d'une institution plus répandue (et, en ce qui me concerne, le plus vite serait le mieux !). Au moment où je rédige ces lignes je tente de transférer mon carnet d'adresses personnel et la réputation que je me suis savamment construit auprès de la presse à l'Open Source Initiative, une société à but non lucratif fondée dans le seul but de gérer la marque de certification Open Source. J'en suis actuellement le président, mais j'espère ne pas le demeurer indéfiniment.

Les phases de la campagne

La campagne de l'Open Source a débuté lors de la réunion de Mountain View et a rapidement mis en place un réseau informel d'alliés connectés par l'Internet (y compris des personnalités-clés de Netscape et d'O'Reilly & Associates). Quand j'écris « nous », ci-dessous, je me réfère à ce réseau.

Du 3 février au jour où Netscape a effectivement publié son code source, le 31 mars, notre souci principal fut de convaincre la communauté des hackers que la marque « Open Source » et les arguments qui lui étaient associés étaient la meilleure solution pour tenter de convaincre le grand public. Ils se sont révélés plus réceptifs que nous n'imaginions. En réalité, le désir refoulé d'un message moins dogmatique que celui de la Free Software Foundation était courant.

Quand la vingtaine de meneurs de la communauté présents au sommet du logiciel libre le 7 mars ont voté et adopté le terme « Open Source », ils ont ratifié formellement une tendance qui était déjà claire sur le terrain, parmi les développeurs. Six semaines plus tard, une majorité confortable de la communauté parlait notre langage.

En avril, suite au sommet et à la publication du code source de Netscape, notre souci principal fut de recruter autant de parents adoptifs que possible au mouvement de l'« Open Source ». Le but était de rompre l'isolement de Netscape — et de nous acheter une assurance au cas où Netscape fasse mauvaise figure et manque ses objectifs.

Ce fut la période la plus éprouvante. Les apparences étaient pourtant encourageantes : techniquement, Linux proposait les fonctionnalités les plus modernes les unes après les autres, le phénomène de l'Open Source, plus général, bénéficiait d'une couverture croissante dans la presse informatique, et nous commencions à jouir d'une couverture positive dans la presse grand public. Cependant, j'avais douloureusement conscience du fait que notre réussite était encore fragile. Suite à une débauche initiale de contributions, la participation de la communauté au développement de Mozilla a beaucoup souffert de la nécessité de disposer de la bibliothèque Motif. Aucun des grands éditeurs indépendants de logiciels ne s'était encore engagé à porter son produit sur la plate-forme GNU/Linux. Netscape paraissait encore isolé, et son navigateur continuait à concéder des parts de marché à Internet Explorer. Un revers grave ne manquerait pas de faire les choux gras de la presse et de marquer l'opinion publique.

Notre première percée, suite à l'affaire Netscape, vint le 7 mars quand la société Corel a annoncé qu'elle proposerait un ordinateur pour le réseau , Netwinder, fondé sur Linux. Mais cela ne suffisait pas ; pour nourrir la flamme, il nous fallait des engagements, non pas de la part de seconds couteaux désireux de gratter des parts de marché où ils pourraient les trouver, mais de la part de ceux qui mènent la danse dans leur propre branche. Ce sont donc les annonces des sociétés Oracle et Informix, à la mi-juillet, qui ont mis fin à cette période fragile.

Les pontes des bases de données avaient rejoint le parti de Linux trois mois plus tôt que je ne pensais, mais nous ne nous en sommes pas plaint. Nous nous étions demandés combien de temps pourrait durer l'aura positive de notre mouvement en l'absence d'engagements de la part d'éditeurs indépendants de logiciels (ÉIL, en anglais ISV), et notre nervosité allait croissant en attendant de telles déclarations. Après les annonces d'Oracle et d'Informix d'autres ÉIL ont annoncé les uns après les autres qu'ils proposeraient une version pour Linux de leurs produits, à tel point que c'en est devenu une routine et qu'on pourrait même survivre à un échec de l'expérience de Mozilla.

La phase de consolidation prit place de la mi-juillet à début novembre. C'est à cette époque que nous avons commencé à remarquer une couverture relativement régulière de la part des médias prestigieux que j'avais ciblés à l'origine, dont les têtes de gondole étaient des articles dans The Economist et un article annoncé sur la couverture de Forbes. Divers éditeurs de logiciels et fabriquants de matériels ont envoyé des gens prendre le pouls de la communauté de l'Open Source et ont commencé à réfléchir à des stratégies pour profiter de ce nouveau modèle. Et de façon interne, le plus grand éditeur de logiciels fermés commençait à se poser sérieusement des questions.

À quel point, nous l'apprîmes avec précision quand les documents Halloween, désormais de sinistre réputation, filtrèrent hors de chez Microsoft.

Les documents Halloween étaient de la dynamite. C'était un témoignage éclatant à la gloire des forces à l'œuvre dans le développement selon le modèle Open Source, de la part de la société qui avait le plus à perdre de la réussite de Linux. Et ils ont confirmé nombre des soupçons les plus obscurs quant aux tactiques que Microsoft emploierait dans le but d'endiguer ce mouvement.

Les documents Halloween ont bénéficié d'une couverture massive dans la presse les premières semaines de novembre. Ils ont provoqué une nouvelle vague d'intérêt pour le phénomène de l'Open Source, confirmant de façon fortuite et heureuse toutes les idées que nous tentions de faire passer depuis des mois. Et ils ont directement provoqué une invitation de votre serviteur à une conférence au cœur d'un groupe trié sur le volet des investisseurs les plus importants de Merrill Lynch, sur l'état de l'industrie du logiciel et sur les perspectives de l'Open Source.

Wall Street, enfin, nous tendait les bras.

Les faits concrets

Alors que la campagne de l'Open Source battait son plein dans les médias, en engageant une guerre virtuelle, les faits techniques et les phénomènes du marché, bien concrets, changeaient eux aussi. J'en passerai brièvement ici quelques-uns en revue car ils forment un tout intéressant avec les tendances de la presse et de la perception du phénomène par le grand public.

Durant les dix mois qui ont suivi la sortie de Netscape, Linux a continué d'accumuler les compétences techniques. Le développement d'une proposition solide pour le SMP et le nettoyage effectif du code 64 bits ont installé d'importantes fondations pour l'avenir.

La salle de linuxettes utilisée pour calculer les scènes d'images de synthèse du film « Titanic » a fait peur aux constructeurs de machines graphiques onéreuses. Puis le projet Beowulf, de construire des super-ordinateurs à partir de machines peu coûteuses, a démontré que la sociologie de Linux, sorte d'armée de fourmis fondée sur le modèle des petits ruisseaux, pouvait faire des grandes rivières, même dans le domaine hyper moderne du calcul scientifique.

Rien de significatif n'a projeté les concurrents Open Source de Linux sous les feux de la rampe. Et les Unix propriétaires ont continué à perdre des parts de marché ; en fait, dès le début du second semestre, seuls les systèmes NT et Linux continuaient de rogner des parts de marché au sein des Fortune 500, et Linux progressait plus rapidement.

Le logiciel Apache a confirmé son avance dans le marché des serveurs pour le web. En novembre, le navigateur de Netscape a renversé sa courbe de parts de marché et a commencé à reprendre du terrain à Internet Explorer.

Perspectives

J'ai relaté ici les événements récents en partie pour les consigner. De façon plus importante, cela met en place un décor qui peut nous servir à comprendre les tendances à court terme et faire quelques projections pour l'avenir (j'écris ces lignes à la mi-décembre 1998).

Voici tout d'abord quelques prédictions pour l'année prochaine :

  • La population des développeurs selon le modèle Open Source continuera d'exploser, et cette croissance sera alimentée par le prix sans cesse plus abordable des compatibles IBM PC et des connexions sur l'Internet.

    Linux continuera à mener la danse, la taille relative de sa communauté de développeurs compensant les compétences techniques en moyenne plus élevées des gens de l'Open Source qui se consacrent aux projets BSD, et de la minuscule équipe travaillant sur le Hurd.

    Les ÉIL seront de plus en plus nombreux à proposer des solutions pour la plate-forme Linux ; les engagements des éditeurs de serveurs de bases de données marquèrent un tournant décisif. L'engagement de la société Corel de proposer une version complète de leur suite bureautique pour Linux montre la voie.

    La campagne de l'Open Source volera de victoire en victoire et fera évoluer les consciences des directions générales, techniques, informatiques, et des investisseurs. Les directions subiront une pression sans cesse croissante d'utiliser des produits issus du monde de l'Open Source, non pas de leurs subalternes, mais de leurs supérieurs.

    Les solutions discrètes de serveurs Samba sur plate-forme Linux remplaceront un nombre croissant de machines sous NT, même dans des entreprises dont la ligne de conduite est de n'utiliser que des produits Microsoft.

    La part de marché des Unix propriétaires continuera à s'affaiblir. L'un au moins des concurrents les plus faibles (probablement DG-UX ou HP-UX) en sera même réduit à déposer le bilan. Mais quand cela se produira, les analystes y verront plus l'œuvre de Linux que celle de Microsoft.

    Microsoft ne proposera pas un système d'exploitation prêt pour l'entreprise, car MS-Windows 2000 ne sera pas vendu sous une forme exploitable (avec 60 millions de lignes de code, ce nombre croissant encore, son développement n'est plus maîtrisable).

En extrapolant ces tendances on peut risquer quelques prédictions, plus audacieuses, à moyen terme (de 18 à 32 mois d'ici) :
  • Le fait de proposer des solutions techniques aux utilisateurs commerciaux de systèmes d'exploitation Open Source sera un nouveau secteur d'activité, très rentable, provoqué par, et renforçant, leur utilisation dans le monde des affaires.

    Les systèmes d'exploitation Open Source (Linux menant la marche) engloutiront le marché des fournisseurs d'accès à l'Internet (FAI), centres de données. NT ne pourra pas résister de manière efficace à ce changement ; le coût réduit, la disponibilité du code source, et une fiabilité sans défaillance, 24h/24 et 7j/7 formeront un tout irrésistible.

    Le secteur de l'Unix propriétaire s'écroulera presque entièrement. Il paraît raisonnable de supposer que le système Solaris survivra sur le matériel haut de gamme de Sun, mais la plupart des autres systèmes jouant dans la cour du logiciel propriétaire appartiendront bientôt au passé.

    MS-Windows 2000 sera soit annulé soit mort-né. Quoi qu'il en soit, ce sera une catastrophe sans nom, le pire désastre stratégique qui soit jamais arrivé à la société Microsoft. Cela affectera malgré tout assez peu leur mainmise sur le marché des postes de travail, ces deux prochaines années.

Au premier coup d'œil, ces tendances ressemblent à une recette pour ne laisser survivre que Linux. Mais la vie est compliquée (et Microsoft tire tant d'argent et de présence sur le marché suite à sa position dominante sur les postes de travail qu'on ne peut pas le laisser pour compte, même après le déraillement de MS-Windows 2000.

D'ici deux ans, ma boule de cristal devient plus laiteuse. L'avenir qui nous attend dépend de questions comme : le ministère de la justice des États-Unis d'Amérique scindera-t-il Microsoft ? Le système BeOS ou OS/2 ou Mac OS/X, ou un autre créneau de système d'exploitation propriétaire, à moins qu'il ne s'agisse d'une conception radicalement novatrice, trouvera-t-il le chemin de l'Open Source et se posera-t-il en concurrent efficace de la conception de Linux, qui a 30 ans d'âge ? Les problèmes liés à l'an 2000 jetteront-ils l'économie mondiale dans une dépression telle que tout le monde pourra jeter ses prévisions ?

Ce sont là des impondérables. Mais une question demeure intéressante : la communauté Linux pourra-t-elle enfin fournir une bonne interface graphique à tout le système ?

Je pense que le scénario le plus probable pour une échéance à deux ans, est que Linux contrôlera les serveurs, les centres de données, les FAI, et l'Internet, alors que Microsoft gardera la mainmise du poste de travail. Ensuite, tout dépendra du fait que GNOME, KDE, ou une autre interface graphique (ainsi que les applications, construites ou reconstruites pour l'exploiter) devienne suffisamment bonne pour concurrencer Microsoft sur son propre terrain.

Si cela était avant tout un problème technique, l'issue ne ferait aucun doute. Mais ce n'est pas le cas ; c'est un problème de conception ergonomique et de psychologie de l'interface, et les hackers ont historiquement été mauvais à ce petit jeu-là. Ils sont très bons dans la conception d'interfaces réservées à d'autres hackers, mais assez mauvais dès qu'il s'agit de modéliser suffisamment bien les processus cognitifs des 95 % restants de la population pour écrire des interfaces que M. Dupont et sa maman seraient prêts à acquérir.

Cette année fut l'année des applications ; il est désormais clair qu'on décidera suffisamment d'ÉIL pour obtenir celles que nous n'écrirons pas nous-mêmes. Je pense que ces deux prochaines années, le problème sera plutôt de croître suffisamment pour rattraper (et dépasser !) les normes de qualité en matière d'interfaces dictées par la société Macinstosh, et de combiner ces dernières avec les vertus d'un Unix traditionnel.

On plaisante à demi à propos de « devenir les maîtres du monde », mais la seule manière d'y parvenir est de rendre service à tout le monde. Il s'agit de plaire à M. Dupont et sa maman ; et cela impose de reconsidérer ce que nous faisons d'une manière radicalement différente, et de réduire sans pitié la complexité visible de l'environnement par défaut pour la restreindre à un strict minimum.

Les ordinateurs sont des outils au service des êtres humains. Il faut donc qu'à terme les défis inhérents à la conception de matériel et de logiciel reviennent à concevoir des objets pour les êtres humains — tous les êtres humains.

Ce chemin sera long, et difficile. Mais nous nous devons — et nous devons à autrui — de le suivre jusqu'au bout et de faire les choses correctement. Que l'Open Source soit avec toi !

Notes
[1] N.d.T. : révolutionnaire américain.
[2] N.d.T. : les anglais utilisent le même terme pour parler d'« expression libre » et de « bière gratuite », aussi le logiciel libre est-il souvent perçu comme du vulgaire « logiciel gratuit », ce qui fait fuir les industriels.


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